Françoise Niel Aubin.

Mots-clés : pépère

 Aujourd'hui, nous enterrions, mon mari, deux de nos trois filles et moi même, notre père, beau père, et grand père.


 
  La composition de légumes, commandée par moi même chez le fleuriste, m'a un peu déçue. Mais je crois que c'est la faute à certaines choses, que j'ai vu sur le net, au sujet des légumes sculptés... Enfin, c'est chouette, mais je crois que j'aurai su le faire moi même, et ça m'aurait rien coûté.

 Quoi qu'il en soit, j'étais contente pour lui.
 J'ai lu tous les textes que nous avions choisi, mon mari et moi.
 
J'ai lu, aussi, le texte proposé par @nn@, mais j'ai rajouté des trucs...

La mort n'est rien

 Je suis seulement passé dans la pièce à côté.

 

Je suis moi. Vous êtes vous.

Ce que j'étais pour vous, je le suis toujours.

Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné, Pépère, ou l'pé BENARD

Parlez-moi comme vous l'avez toujours fait.

N'employez pas un ton différent,

Ne prenez pas un air solennel ou triste.

Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.

 Priez, souriez,

Pensez à moi,

pensez à moi, quand vous observerez si votre rangée de laitues est bien droite,
 si le carré de poireaux est bien ordonné;
 vous penserez à moi, quand vous motterez vos patates.

 vous penserez à moi, quand vous ferez  la fête du village.
 
Priez pour moi.

Que mon nom soit prononcé chez vous,

Comme il l'a toujours été,

Sans emphase d'aucune sorte,

Sans une trace d'ombre.

 La vie signifie tout ce qu'elle a toujours été.

Le fil n'est pas coupé.

 Pourquoi serais-je hors de vos pensées,

Simplement parce que je suis hors de votre vue ?

 Je ne suis pas loin, juste de l'autre côté du chemin.

Vous voyez, tout est bien

 

Bon, j'ai eu beaucoup de mal à le lire, car mon beau père, je dois l'avouer, m'aimait beaucoup. Nous avions une complcité "potagère", lui et moi, qui a quand même duré plus de trente ans... Je me souviens d'une chose, qu'il avait faite, pour moi. Rien que pour moi, pour me faire plaisir.

 J'étais toujours assise à sa droite, quand nous mangions le "cul de lapin à la moutarde", grand classique culinaire, le dimanche, chez mes beaux parents (faut dire qu'ils en avaient une tripotée pas possible)... Il faut vous dire qu'à cette époque, je n'avais que 17ans, et je travaillais, l'été, dans un cabinet dentaire, comme assistante.
 
 Mon beau père était un clown, avec des joues de deux kilomètres carrés. ("J'va dire comme l'bon gars", mais c'est que l'bon gars en question, il avait toujours une grosse connerie à sortir, pas toujours des plus rafinées, qui faisait bien rigoler toute la tablée... Et donc, mon beau père, à ma gauche, riait de toutes ses dents.

 Mais c'est que moi, avec mon travail autour des dentitions des gens, je ne pouvais pas me taire...  Il avait de grandes dents ! (c'est pour mieux te manger, mon enfant....)  Mais c'est vrai ! Je vous jure.
 
  Mon beau père avait des dents très "hautes".... et comme il rigolait toujours comme un bossu, on voyait très bien le trou qu'il avait, sur la droite, celle même où moi, je me trouvais...
 Puis un jour, quand même (je m'enhardissais, quand même...), je lui dis:
 
-"Vous rigolez, vous rigolez. Mais enfin, pourquoi vous ne vous faite pas poser un petit appareil, pour avoir une dent, à la place du trou ?"

 Il m'avait répondu "non, mais, ça va pas, françoise.... Tu as vu comment sont mes dents ?... J'ai des dents "pas comme tout le monde", ils n'auront jamais une dent fausse qui puisse ressembler aux miennes....

 Et moi, forte de mon savoir, concernant les ratiches, à ce moment de ma vie, je lui dis:
 
  -"Mais si ! Enfin, mais qu'est ce que vous croyez ? Bien sûr que si, ils en ont. On en a de toutes les tailles, de toutes nuances de blanc, ou de beiges. Même un monsieur qui fume, peut très bien se faire poser de fausses dents, on a tout ça en stok, ne vous inquietez pas....

  Puis on changeat de sujet.

 Plusieurs semaines ou mois, je ne sais plus, il ne m'avait rien dit.... Il se met à rigoler, comme il le faisait souvent, et ho, miracle, il avait fait poser sa fausse dent !  Je m'en souviens très bien, parce que j'étais fort surprise qu'il l'ait fait, juste pour me faire plaisir !

  Fermons la parenthèse.

Nous avons été deçus qu'il n'y ait pas plus de monde. Mais il est vrai que quand on meurt à 90 ans, beaucoup de ses copains étaient déjà décédés....
 
 Enfin, comme je l'avais suggéré à mon mari, j'avais prévu une tasse de café, des mugs de thé, pour le cas où il souhaiterait inviter quelqu'un, chez lui, à la fin de la cérémonie. Il a accepté, et nous nous sommes donc réunis, à Mesnil Panneville, dans sa maison... Nos filles et moi même avons servi les boissons et les petits gâteaux. Je crois que la dernière fois que nous nous étions vus, c'était pour leurs noces d'or, il y avait environ15ans...  Et il faut des circonstances comme celles là pour que nous nous soyons enfin parlé...
 
  J'étais "comme si nous vivions encore ensembles", et je soupçonne que personne n' ait su que nous sommes séparés. Ca m'a fait du bien, de voir sa famille, de Normandie.

 Alors, voilà. En discutant, avec des amis, autour du café, nous avons appris que Pépère voulait être incinéré avec son képi de garde champêtre. Mais  seule cette personne le savait, et son couvre chef sera resté en Bourgogne, en terre etrangère à la Normandie.

 Je vais demander à  ma belle soeur si éventuellement, elle n'aurait quelques photos de lui, en garde champêtre.

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