Françoise Niel Aubin.

Mots-clés : La naissance de Clémentine [ajouter], toxémie gravidique. [ajouter]


   Puis une voix rassurante me parle. "avalez votre salive, avalez votre salive".... Je l'interroge, elle me répond: "vous avez une magnifique petite crevette".

  Il  doit être environ 15h. Mon mari est à l'extérieur du bloc. il attend.  Puis un petit chariot sort, il est rempli de "papier aluminium". "vous vous nous suivez".
  Il obéit.... Il croit apercevoir un petit être, dans le papier aluminium, minuscule, plein de sang, qui gesticule dans tous les sens....
  Tout le groupe monte à l'étage "néo nat". Pendant plus d'une heure, le "petit être" est posé sur une table chauffante. (ou couveuse ouverte). Cinq medecins, environ, sont afférés tout autour de lui....
  un "administratif", prend mon mari à part.
 "on doit remplir des papiers".... "si le bébé meurt, souhaitez vous qu'il soit baptisé en urgence" ?.... "dans ce cas, faite vous don de son corps à la medecine ?"
  Pendant ce laps de temps, il s'est inquieté de savoir comment j'allais. Moi, je suis retournée dans ma chambre. Ils m'ont déménagée, car il ne fallait pas que moi, accouchée, "sans mon bébé" j'entende les pleurs des autres bébés, alors, on m'a rangée  au service "gynécologie". J'ai disposé aussitôt du numero de téléphone , pour avoir des nouvelles, 24h sur 24 de mon bébé... J'avais les puéricultrices au bout du fil.

    Pour en revenir à mon mari, ce qu'il a resenti, lui, je n'en ai que des bribes.Car  c'est un "papa pudique". Et Dieu seul sait ce qui a pu lui traverser l'esprit, quand tous ces hommes s'affairaient autour de son bébé....
  Les jours qui ont suivi, après quelques heures d'euphorie, dues au fait que j'étais "enfin  libérée de l'inquietude".... succédèrent très rapidement la souffrance d'être séparée de mon bébé. On était vendredi soir... Une perfusion d'un medicamnet diurétique "hyperpuissant", était sensé me protéger d'un quelconque problème rénal. J'avais beau, piaffer, demander, supplier, il n'y avait rien à faire. Cette foutue  perfusion, de couleur jaune, m'empêchait de monter, voir "ma petit crevette".

 Bon, au fait, quand même, il faut que je vous dise. Son "apgar".

  Pour information, "l'apgar" d'un nouveau né, c'est un moyen objectif qu'utilise le corp médical, pour apprecier l'état d'un nouveau né. Selon 5 critères, qui sont notés de 0 à 2, qui sont
 La respiration.
 Les battements du coeur.
 Le tonus nerveux.
 La couleur de la peau.
  le cri, à la naissance.

Quand  tout se deroule bien, et que le bébé va bien, "l'apgar" est de 9 ou 10.
  Ma petite Clémentine, elle  à la naissance, avait un apgar de 1.... Elle fut aussi intubée, au bout d'une heure, il était de 10. Son poids était de 1,9kl.
  Quand le medecin vint me voir, avec les feuilles du monitoring, il m'a expliqué. Les courbes décrites étaient caractéristiques d'une "toxémie gravidique". C'est la complication la plus redoutée,  du corps médical, car elle engendre la crise d'éclampsie.
  J'avais passé un WE affreux.... Je n'arrêtais pas de pleurer. On eut dit qu'on m'avait arraché un bras !
 (l'image n'est pas exagérée).
  Le lundi matin, le professeur entra, avec toute la coorte d 'éleves.... Ils devaient être une dizaine, environ, à lui lêcher littéralement les bottes. C'est que j'étais "La" toxémie gravidique.
  Ce con là, a commencé à me parler comme si j'eu été une demeurée.....

- "Elle est gentille, la dame".... Puis s'adressant à un medecin "comment va le bébé ?  Est ce qu'on a des nouvelles  ?
-"Pas de problème... Tout va bien...."
-"Et bien voilà ! Elle est contente , la dame. Vous savez, il y a dix ans, on n'aurait pas été capables de sauver la maman ET le bébé, il aurait fallu choisir".

  Je revois son attitude, complètement infantilisante... Putain, je reconnais qu'ils ont super bien géré le truc, mais c'était pas une raison pour me parler comme à un débile !
  Je bouillonnais intérieurement.
  " Elle est peut être bien contente "la dame", mais en attendant, je vous signale que je n'ai pas encore vu mon bébé".
 J'étais au bord de la crise de nerfs. Je bouillonnais, je retenais mes larmes, pour ne pas me donner en spectacle.
  Puis il regarde un medecin "qu'est ce qui se passe......?"
  Tu parles, ça faisait deux jours que je faisais pression pour qu'on me retire cette saloperie de perfusion.....

  Et ça y était !  ENFIN.... "le grand pont avait donné son accord" c'était bon.
 
  Pour la première fois, à midi, Stéphane arrivait me voir, on irait, tous les deux, voir notre bébé.
  J'étais dans une chaise roulante.
  Elle était à present au troisième, avec les "stabilisés". Elle était dans une couveuse fermée, maigre comme un clou. En fait, à cause de ma maladie, elle avait souffert, les dernières semaines, de mal nutrition. Donc, elle était gavée au lait maternel, avec une énorme seringue, automatique, qui déposait, au goutte à goutte, le lait  dans son estomac.
  J'ai ouvert le hublot, puis lui ai donné mon index.... Elle ne le lâcha plus.... Puis au bout de quelques minutes, comme je fatiguais, ellle pleura quand je le retirais. Elle était toute frippée, comme un p'ti vieux. Ses cheveux blonds, presque blancs, étaient hirsutes.

 Le vendredi, quand elle est née, j'ai demandé à Stéphane d'appeler ma mère, pour le lui dire. Il a  dit textuellement "Françoise a eu une cesarienne, cet après midi.... Mais ne dite rien à personne, le bébé va très mal..... On ne sait pas comment ça va tourner".
  On venait tout juste de lui demander si en cas de de mort, il donnait le corp à la medecine, le pauvre.... Il devait être mort d'inquietude.

 Mais ce premier jour, où nous la découvrions, ensembles, pour la premiere fois, je l'ai prise dans mes bras, sans aucun cordon, fil, pour l'alimenter. Les explications diverses et variées, venant des puéricultrices rassurent énormement.... Et pour la première fois, j'ai vu, sur le visage de mon mari, un père, qui regardait, pour de vrai "son bébé"...... Il  réalisait vraiment, qu'il avait un bébé....

 Je me remémore très bien ce que je resentais, quand je la prenais dans mes bras.... Elle était habillée "comme la vierge Marie", le premier jour, en couveuse fermée, pour en sortir, afin qu'elle ne prenne pas froid.  Mais un tel petit poids, il faut savoir que les vêtements sont bien trop grands. La puéricultrice l'avait emaillottée, comme le petit Jesus, avec un lange, pour les mêmes raisons.
 Dans l'intérieur de mon bras gauche,  son derrière était entre mon poignet et mon coude, sa tête était entre mon coude  et le bas de mon epaule. Son tibia, je me souviens très bien, faisait très exactement la taille de mon pouce.

 La première fois que je rencontrais la pediatre, elle me parla en fait, de tout sauf....de mon bébé....
 Je comprenais, par la suite, qu'elle voulais simplement s'assurer que je devais la rassurer quand au fait que cette courte hospitalisation de Clémentine, le fait que nous ayons été séparées, comme ça, pendant 15 jours, n'aurait pas de répercussions. Car il arrive, je l'ai appris par la suite, que certains parents, ou plus précisement mamans, se detachent de leur bébé, à cause de ça.


 Enfin, ma "petite crevette" a 26 ans depuis le 16 de ce mois. Elle a  toujours été en pleine santé. Sur une photo, prise dans sa chambre, à la maternité, les premier jours, on voit la courbe de  poids affichée au mur. Certains jours, elle prenait 100 g !
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