Françoise Niel Aubin.

Etant concernée de très près par cette maladie, j'ai cru bon d'adhérer à leur association...
Voilà ce qui m'a donc été envoyé, le mois dernier, avec le bulletin habituel. J'ai trouvé ce poème bien touchant, et ô combien réaliste.

 NI LA MORT NI LA VIE.

 Au réveil, on la lave, on la coiffe, on l'habille.
 Elle se laisse faire ainsi qu'une poupée.
 Au petit dejeuner, on lui dit que sa fille
 viendra la voir à la fin de la journée.

 Le regard dans le vague, la tête inclinée
 et les lèvres figées par un pâle sourire
 elle est assise là toute la matinée.
 Il est de meilleurs sorts, mais il en est de pires...

 Tel un enfant dolent caressant son doudou
 d'un geste machinal, elle lisse sa jupe.
 Aucun n'apparait pourtant sur ses genoux.
 Ce geste inhabité pourtant l'occupe.

 Rien ne semble l'atteindre dan son monde isolé.
 Parfois sa main se lève, mouvement incertain.
 Au bord de la paupière une larme a perlé.
 Est ce le souvenir d'un quelconque chagrin ?

 Et lorsqu'une lueur traverse son esprit,
 éclairant briévement ses pauvres yeux fanés
 stupéfaits, incrédules, attentifs on se dit :
" elle va s'exprimer", alors, l'espoir renait !

 En effet, impromptu, elle sort du silence.
 S'adressant, au hasard, à un fantôme errant.
 Les mots sont hésitants, propos sans cohérence.
 Puis le regard s'éteint, redevient comme avant.

 Elle fut jeune et belle, et elle aima la vie. 
 Comment croire un jour son esprit l'a quittée ?
 Elle mange, elle dort, elle est là, son corp vit,
 Mais si peu, démuni, d'intérieure clarté.

 Soudain, elle se lève, et très déterminée,
 va vers la porte, l'ouvre, s'engage dans la rue.
 Sa précipitation, et ses grands pas pressés
 en desaccord avec son regard éperdu.

 Elle va, ne sait où, mais y va d'un bon pied !
 L'infirmière, à ses trousses, a du mal à la suivre.

 L'escapade, chez elle, est un fait coutumier.
 Un sursaut de l'instinct, pour l'aider à survivre ?

 André Pons- Jacquet vous offre ce poème, témoignage d'une fille aimante.